Sauf dans
le cas assez rare de cavités recevant des émanations de CO2 profond (diverses
« grottes du chien » auvergnates par exemple) le gaz carbonique des grottes
provient principalement de la décomposition des végétaux de surface en humus,
en particulier celle des feuilles mortes (litière et sol) ainsi que de la
respiration végétale par les racines. Les dosages isotopiques du carbone (C14
/ C12) ont montré qu'il a en général un âge qui se mesure de quelques mois à
quelques années alors que le gaz d'origine profonde ne contient plus du tout
de C14 .
Le cycle
est le suivant :
Le CO2
libre dans le sol peut atteindre 8 % dans certaines litières ou sols
humifères. Il est entraîné par l'eau de pluie (H2O) sous forme d'acide
carbonique (H2CO3) qui réagit sur le calcaire (CaCO3) en donnant du
bicarbonate (= carbonate acide) de Calcium Ca(HCO3)2 soluble dans l'eau et
entraîné en profondeur par l'infiltration. En théorie, il doit y avoir en
surface un faible dégagement de gaz hydrogène (H2).
En arrivant
dans une cavité, une partie du calcaire dissout se dépose avec dégagement
simultané de gaz carbonique selon la formule :
Ca(HCO3)2
à
CaCO3 + CO2 + H2O
Le calcaire
se dépose sous forme de concrétionnement (ce sont les coulées et massifs
stalagmitiques qui produisent le plus de gaz tandis que le gaz carbonique se
dégage dans l'atmosphère de la grotte.
Si celle-ci
est descendante et totalement fermée en bas (colmatage, siphon etc.), il n'y
aura pas ventilation et le gaz carbonique va s'accumuler. C'est souvent le cas
dans notre région pour les avens des garrigues , en particulier sous les zones
de plateau où de tels pièges sont nombreux : l'Agas, les Camelliés et la Buse
sont dans ce cas ! L'aven de Noël aussi. Comme en général, les infiltrations
se réunissent progressivement en profondeur et se raréfient, il en est de même
pour le gaz qui se trouve le plus généralement entre –25 et –90 mais dont la
concentration diminue au delà. C'est net par exemple aux Camelliés où le
maximum se trouve au carrefour du grand couloir ou à l'AGAS au bas du P 80.
Dans les deux cas, il n'y en pratiquement plus au niveau de l'actif, ce qui
est normal car sa solubilité dans l'eau l'élimine petit à petit. De même, un
certaine quantité se diffuse petit à petit par l'orifice supérieur ou par des
ventilations latérales faibles.
La
concentration et le niveau atteint par la « nappe » de gaz sont variables
selon la saison.
En région
méditerranéenne :
-
les pluies d'automne lui
fournissent une recharge importante conduisant à un pics de début d'hiver,
-
les crues avec mises en
charge importantes repoussent vers le haut l'atmosphère profonde et font
remonter le niveau du gaz,
-
les périodes froides et les
baisses de pression atmosphérique extérieure favorisent une ventilation
ascendante et la fuite de gaz par le haut d'où une diminution de la
concentration.
-
Les périodes de sécheresse
peuvent vider certaines fissures et permettre au gaz de s'échapper.
-
Etc.
Dans notre
région, les concentrations sont généralement insuffisantes pour être
dangereuses pour une personne normale : 3,5 à 4 % maximum. La flamme de l'acéto
rougit, ça donne de la fatigue musculaire, un peu mal à la tête, de la
somnolence, essoufflement, palpitations cardiaques mais impuissance sexuelle
etc. Il faut éviter de s'arrêter trop longtemps assis ou allongé au sol et
ça peut poser un problème en secours : pas de point chaud par exemple dans ce
genre de zone.
Il vaut
mieux éviter de fréquenter les quelques cavités qui dépassent parfois ces
chiffres : aven Paulin dans les garrigues de Nîmes (> 5,5 % : une acéto mal
réglée s'éteint au moindre choc) : risque d'évanouissement en une dizaine de
minutes et secours difficiles, obligatoires en moins d'une demi-heure! Grotte
de la Madeleine à Vic la Gardiole (gaz d'origine profonde) et un mythique trou
souffleur ardéchois d'où sort depuis des années un air à 6 % de CO2 et jamais
exploré pour ça !
Pour la
question plus précise concernant la diminution de la solubilité des gaz dans
l'eau quand la température augmente, c'est une loi générale mais nous ne
sommes pas dans ce cas. Je l'ai dit plus haut : l'eau non contient pas du CO2
(ce n'est pas de l'eau gazeuse !) mais du bicarbonate de calcium qui est un
solide et dont la solubilité augmente avec la température et même nettement
plus rapidement autour de 10-15° que celle du CO2 ne diminue. Et c'est ça qui
l'emporte.
Michel WIENIN (Novembre
2005 – Liste Spéléo)