COMMENT S’Y RENDRE De Montpellier, prendre l’avenue de la Liberté et la direction Millau par la N 109/E11 (A75). Sortir à Gignac (29 km) et traverser ce village. Prendre la direction d’Aniane par la D32 (3 km). Tourner à gauche dans Aniane. Suivre la direction Saint-Guilhem-le-Désert. Dans le village de Saint-Guilhem-le-Désert, à partir de la place de la Liberté, il faut emprunter la rue du Four jusqu'à la dernière maison, puis prendre à droite le chemin de l’ermitage (GR 74) qui grimpe sur la droite. Au fil de la montée qui est assez régulière on découvre les crêtes du château du Géant ainsi qu'une vue splendide sur le cirque de l'Infernet (Bout-du-Monde). Compter trois heures aller-retour. UN ERMITAGE SECRETEMENT BLOTTI DANS UN REPLIS DES MONTS DE SAINT-GUILHEM "Le paysage s'égaie. La montagne devient plus accidentée ; en bas, des vallons capricieux ; en haut, des escarpements fantastiques et partout, des pins verdoyants, vigoureux, éparpillés sur les pentes, nombreux et serrés sur les terrasses. Le chemin contourne un mamelon. Nous entendons une clochette. Un pas de plus, voici Lieu Plaisant." (François Dezeuze, L'escoutaïre, 1927.) ien situé dans une petite reculée, sorte de petite niche creusée dans le massif dolomitique du Ginestet, Notre-Dame-du-Lieu-Plaisant (Notre-Dame-de-Plaisance, B.-M. de Loco-Placenti) est un sanctuaire tout à fait remarquable des monts de Saint-Guilhem-le-Désert. Dissimulé au sein d’un pays de garrigues agrestes qui de la montagne de la Séranne à l’Hérault forme un grand escalier de falaises, ce lieu propre à la méditation et à la retraite est un site incontournable à découvrir. Il fait partie de ces lieux inspirés dans lesquels souffle l’esprit paisible de la solitude et du silence. On y accède par un chemin, le même sans doute qui conduisait autrefois les pèlerins vers le Larzac sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une bonne heure de marche est cependant nécessaire à partir du village de Saint-Guilhem-le-Désert pour gagner les lieux que l'on ne regrettera pas d'avoir visités. Remarquablement abritée du vent et du soleil parfois très rude qui frappe le massif, une petite chapelle et ses dépendances blotties au creux d'un rocher accueillent le visiteur. La modestie des lieux, leur isolement sont ceux voulus pas leur fondateur, un certain Jean D'Albe, laïque du diocèse de Lodève qui, une certaine année 1395, reçut par une bulle du pape l'autorisation exceptionnelle d'y établir un lieu de prière et de recueillement tout dévoué à la foi catholique. Les démarches de ce civil réitérées auprès du souverain pontife, sa détermination et sa foi avérée reçurent une précieuse « réponse » du chef suprême de l’Eglise catholique, qui mit un terme à quelques questions ambiguës posées par ce type de sollicitation pour le moins rarissime. « Benoît, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. A notre fils aimé, Jean d’Albe, laïque du diocèse de Lodève, salut et bénédiction apostolique. Le sentiment du dévouement sincère que tu portes à notre personne et à l’Eglise romaine mérite, à juste titre, que tes demandes, celles surtout qui nous paraissent naître à la ferveur de la piété, soient favorablement accueillies, en tant que nous le pouvons, avec le secours de Dieu. C’est pourquoi, nous inclinant devant tes dévotes supplications, nous accordons à ta piété, par la teneur des présentes, que dans l’oratoire construit par toi dans l’étendue de la paroisse de Saint-Barthélemy-du-Désert, dans lequel tu pratiques la vie solitaire, et qui est placé sous la dépendance de l’abbé et du monastère de Saint-Guilhem, ordre de saint Benoît, dudit diocèse, tu puisses construire un autel sous l'invocation de la Bienheureuse Vierge Marie, sur lequel tu pourras faire célébrer la messe et les autres offices divins, et de plus que tu puisses y avoir une petite cloche, tout en sauvegardant les droits du monastère, de l’église paroissiale et de tout autre personne. Qu’il soit donc défendu à toute personne d’enfreindre la teneur de cette concession, ou de s’y opposer témérairement. Si quelqu’un essayait d’agir de la sorte, il tomberait sous l’indignation du Dieu Tout-Puissant et de ses saints apôtres Pierre et Paul. Donné à Avignon, le 8 des ides d’octobre ; la deuxième année de notre pontificat. Gratis pour Dieu. (Benoît XIII, Souverain Pontife.) onsacrée à la vierge, la chapelle (1) fut donc dotée d'une cloche et placée sous la tutelle de la paroisse Saint-Barthélemy c'est-à-dire sous la dépendance de l'abbé de Saint-Guilhem. Dans sa structure ancienne, la chapelle mesurait 6,60 m de long sur 2,55 m de large et était ogivale. En moyen appareil de moellon calcaire, sa construction, dont on ne connaît pas les auteurs, est tout à fait ordinaire : Sancta Smplicitas ! Sa toiture à deux pans est couverte de tuiles creuses. Aujourd’hui, un tout petit clocher abritant une cloche qui n’est point la fameuse cloche originelle, fondue à Pézenas le 30 juillet 1787, surmonte la façade primitive tournée vers le couchant. Vers 1860, le bâtiment est agrandi. Une salle, sorte de refuge pour les ermites, y est rapportée au rez-de-chaussée. Un caveau utilisé pour l'ensevelissement des défunts des lieux est creusé à même le roc. Les corps des défunts frères retirés dans les lieux pour une vie monacale austère et rude y étaient déposés en posture assise, habillés en tenue de bure blanche et cordons et séparés les uns des autres par des pierres. Une dalle retrouvée sur les lieux lors de fouilles portait un écusson qui distinguait les sépultures des ermites (1). Ces derniers, simples laïcs appartenant à des familles de nobles, épris de solitude et d’isolement, venaient se retirer dans les lieux apportant leur dot aux biens communs des lieux. La maison des moines, devenue par la suite agrandissement de celles des ermites, et aujourd'hui restaurée, formait un rectangle. Elle était équipée d'une écurie, d'une cave et d'un magasin. Sept pièces constituaient le premier étage. Cette construction remonte au XVIIe siècle. Contre la paroi rocheuse située derrière le sanctuaire, face à l'entrée de la chapelle curieusement située à l’opposé de la façade principale visible en arrivant sur les lieux et dans une petite cour très exiguë, une avancée rocheuse en porche de grotte laisse apparaître une petite source qui coule goutte à goutte. Elle fournissait autrefois, et cela grâce à l'aménagement d'un petit bassin de collecte, suffisamment d'eau pour la maison et le jardin potager des frères. On peut de nos jours encore s'y rafraîchir même en plein été. Ces lieux, pour le moins insolites dans ces monts escarpés ciselés par d’innombrables anfractuosités rocheuses et percés de nombreuses et vastes grottes, ne furent certainement pas choisis au hasard par son fondateur. L’aménagement de ce recoin de montagne dominé par les mille fantaisies de la roche dolomitique aux formes parfois fantasques taraudées par l’érosion est dû essentiellement à la présence de l’eau, cette fameuse source pour le moins providentielle qui suinte de la roche. Sans cette bénédiction de la nature, point sans doute d’ermitage dans ces lieux, encore moins ce chemin têtu qui serpente dans la montagne à sa rencontre. DES ARCHIVES PILLEES A LA RÉVOLUTION es archives de Notre-Dame-du-Lieu-Plaisant, malheureusement pillées et dispersées par la Révolution française, il ne reste actuellement que peu de documents. En 1902, l’abbé Léon Vinas, archiviste du diocèse de Montpellier, rassemble quelques pièces disséminées dans les archives de l’abbaye de Saint-Guilhem. Il déplore cependant que deux dossiers signalés dans un inventaire dressé en 1782 lors la visite des lieux par l’official de Saint-Guilhem aient mystérieusement disparu. Ceux-ci auraient contenu entre autres l’inventaire du mobilier, la règle des ermites et de précieux autres documents. Les pièces restantes nous apprennent toutefois que l'ermitage, qui comptait seulement deux ermites en 1631, connut toutefois une fréquentation régulière d’épris de solitude et de fervents dévots et cela jusqu’à la Révolution qui changea quelque peu la donne. Les lieux se prêtant particulièrement à la prière et à la méditation connurent au total des années 1500 à 1860 le nombre de vingt-trois « pieux solitaires », ces fameux «frères » dont la combe voisine porte le nom. Comme dans tous les monastères, le temps libre de ces ermites, hormis celui consacré à la prière et à la contemplation selon le rite de Saint-Benôit, était employé non seulement à la culture des maigres terres alentour (vigne, potager, oliviers) mais aussi à diverses tâches à l’égard des populations locales des villages, fermes et hameaux. Celles de soigner les malades, de porter les derniers sacrements aux mourants, voire « désinfecter » de la peste. Une transaction passée en 1862 entre l’économe royal de l’abbaye de Saint-Guilhem et les moines, assurait aux ermites une certaine quantité de blé que l’abbé devait leur fournir et qu’il prenait sur la rente du château de Ferrussac situé sur le Larzac, près de La Vacquerie. Jusqu’en 1860, les lieux de Notre-Dame-du-Lieu-Plaisant connurent une fréquentation régulière de contemplatifs voués à la stricte cause religieuse. Mais celle-ci, de façon consécutive au déclin de l’abbaye de Saint-Guilhem (Gellone) dont les moines dispersés dans le village ne respectaient plus aucune règle, s’aligna quelque peu sur des modes de vie moins stricts. Quelques « solitaires », voire des « marginaux » pour ne pas dire « illuminés » en « squattèrent » finalement les lieux voués alors à une décadence totale. CULTE ET PROCESSIONS ’abbé Léon Vinas, conscient de cette décadence, rétablit quelque peu la crédibilité du sanctuaire en faisant sceller en 1844, sur le chemin qui grimpe de Saint-Guilhem, quatorze croix. Ce « chemin de croix » redonne à l’ermitage une nouvelle vocation, renforce entre autres la ferveur locale et l’invite à conserver de bien vieilles traditions de processions. Les habitants de Saint-Guilhem conservent toujours ces traditions et continuent de nos jours à consacrer deux processions à l'Ermitage voué au culte de Saint-Joseph dont l'oratoire, situé à quelques mètres de la chapelle, vient de faire l'objet d'une rénovation. Le lundi de Pâques a lieu le fameux pèlerinage de la "Saucisso", en reconnaissance de la fin de la peste de 1628 qui ravagea le pays. Le deuxième dimanche d'octobre, le pèlerinage de "las nougas" (des noix), en vue de la protection de Notre-Dame contre les inondations du Verdus, rivière qui traverse le village de Saint-Guilhem et qui bien des fois, débordant de son lit notamment en 1628 et 1723, est venu ravager ce dernier. « C’est un tableau. Dans la lumière d’une belle journée d’avril, les habits noirs des dévotes, les surplis blancs des prêtres, les petites soutanes rouges des acolytes vibrent et se détachent avec vigueur sur la pierraille grisâtre. Après les humains, suivent tranquilles, bonasses, quasi confits en dévotion, quelques ânes avec leurs bâts et leurs corbeilles. On pourrait se croire en Palestine. » (François Dezeuze, L'escoutaïre.) LES ERMITES Hommes et femmes, souvent des religieux ayant « fait leurs preuves », insistent sur la séparation intérieure et extérieure du monde, pour mieux souligner que l'homme ne vit que pour Dieu : vie de silence et de solitude, de prière et de pénitence. L’érémitisme est l’état de vie consacrée le plus anciennement connu. Il se distingue en deux aspects, retenus par le Code de droit canonique : l’érémitisme proprement dit, dans lequel l’ermite se retire au désert (eremos) loin des lieux habités, et l’anachorétisme, où il vit en reclus – une grotte – dans un lieu proche d’une communauté. La plénitude de cette vocation est atteinte dans le fait de demeurer en permanence dans la proximité du Seigneur. En cela, elle représente le cœur de toute vie consacrée : suivre le Christ de plus près. Loin de l’oisiveté, elle comporte l’étude attentive de la Parole de Dieu, la pratique du jeûne et de la pénitence, en vue du salut du monde. En cela, comme le rappelait Paul VI, cette vocation est pleinement ecclésiale. Cet aspect est particulièrement souligné par l’intervention personnelle de l’évêque diocésain (ou prieur local), tant dans la réception des vœux ou autres liens sacrés que dans la remise d’un programme de vie. Le plus souvent, l’érémitisme, sous ces deux aspects, s’est conjugué avec la vie monastique. Le droit commun des Eglises orientales en conserve les règles essentielles (CCOE, can. 481-485). Depuis le XVIe siècle, il a connu un certain déclin. Ce qui explique que le Code de 1917 l’ignore. Il refleurit ici ou là depuis quelques décennies. Le concile Vatican II lui a fait une place (Lumen gentium 43, Perfectae caritatis 1) de même le Catéchisme de l’Eglise catholique (n° 920-921).(Extrait du Service National des Vocations) (1) Non classée par les Monuments historiques. Inscrite seulement en 1994 à l'inventaire.
Daniel Caumont ( extrait de : Gazette Economique et Culturelle du Languedoc-Roussillon n°1347 p.18-23 -2007)
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