-
ne
pauvre paysanne, abandonnée par son mari, élève sa nichée de son mieux.
Elle tire les légumes d'un petit potager. Quelques chèvres, quelques brebis
lui donnaient la laine.
-
Lorsque le fils aîné
eut dix ans, elle le plaça dans les causses, prés du village de La
Vacquerie, en qualité de "pillard" (petit pâtre).
-
Un an plus tard,
le petit "Estiénnou" revint et remit au sol l'argent qu'il avait
gagné. Il lui raconta comment il déjeunait d'un morceau de fromage dans la
semaine et d'une tranche de jambon le Dimanche. Comment il s'amusait avec un
couteau à décorer des branches vertes qu'il jetait ensuite dans un
"aven" sans fond dans lequel on entendait mugir les eaux.
-
Sa mère lui
montra alors une branche sculptée qu'elle avait trouvée sortant de la source
de la Clamouse au bord de l'Hérault. Estiénnou la reconnut.
-
On décida que
pour donner des nouvelles, Estiénnou jetterait dans l'aven du causse un
bâton identique. Cela signifiait que tout allait bien. Sa mère vécut
heureuse, sans inquiétude, recevant de temps à autre une branche
taillée.
-
Son troupeau de chèvres
et de brebis fut anéanti par la maladie, il ne lui resta plus que deux
bêtes. Son petit Estiénnou décida de lui envoyer chaque mois un agneau :
"Mon maître ne connaît pas le nombre de ses bêtes et il n'est pas
juste qu'avec vous mes frères et mes petites soeurs souffrent de la
faim".
-
Dés lors, chaque
mois, la première nuit sans lune, la source lui apportait son présent.
Chaque fois l'agnelet était plus beau, plus gras, plus fort et la malheureuse
se réjouissait d'avoir un petit si intelligent et dévoué.
-
Il deviendra un
grand garçon, aura un troupeau, des brebis, un mulet pour labourer la terre,
et portera des fagots d'écorce d'yeuse aux tanneurs de Lodève.
-
Voilà qu'en
faisant son rêve, gelant dans la nuit, elle vit arriver l'envoi qu'elle
espérait, elle le tira avec une branche. Dieu ! qu'il était gros l'agneau,
cette fois-ci ! Soudain un cris terrible traversa le vallon sauvage, le cri
d'une mère qui trouve son fils mort.
-
Elle venait de
reconnaître son fils, son petit Estiénnou qui s'était laissé entraîner
dans le gouffre par un agneau vigoureux et qui avait suivi sa victime dans la
rivière souterraine.
-
La pauvre
abandonnée devint folle, et chaque nuit quand sa jeune nichée dormait, elle
venait attendre les branches sculptées ou les petits agneaux. Puis se
souvenant de l'horrible vision se mettait à hurler jusqu'à ce que ses forces
l'abandonnent.
-
es chasseurs,
les charbonniers, les chevriers de la montagne ne la désignèrent plus que
sous le nom de la "Clamousa" (la hurleuse) et quand elle mourut, ce
nom resta à la source prés de laquelle elle a tant pleuré.
-
-
- (Texte original
d'après
François DEZEUZE dit "L'ESCOUTAÏRE")
-
|